Le travail, c'est la santé (ou comment acquérir de nouvelles compétences)

Je ne sais pas qui a inventé cette maxime "Le travail, c'est la santé", mais ce n'était sûrement pas un fonctionnaire ! Je vous vois venir avec vos gros sabots : les fonctionnaires sont payés à rien faire, sont des incapables bla bla...

Y a du vrai, j'en connais ! Mais ce que les gens ignorent souvent, c'est que dans le monde de la recherche scientifique, nous sommes fonctionnaires. Nous avons pour la plupart suivi des cursus scolaires plus ou moins long (de 2 à 8 ans d'études) et spécialisé (pour faire de la science quoi !). Et un jour, on a la géniale idée de passer les concours de la fonction publique, parce que oui, les fonctionnaires ne sont pas recrutés pour leurs capacités à glander grâce à leur bonne bouille, il faut passer un concours, avec en général une bonne centaine d'autres candidats sur les rangs (surtout en sciences parce qu'il n'y a pas de boulot ailleurs en France !).

Bref, on est alors recruté sur un profil précis ultra-scientifique qui a l'air génial sur la papier, avec des appareils de pointe qui fonctionnent super bien, des thématiques scientifiques qui vont sauver le monde et des bisounours plein le labo ! Sauf que ce qu'on nous cache, souvent, c'est qu'on est engagé comme larbin homme/femme à tout faire !

Car dans la recherche publique, y a pas de sous (enfin, y en a mais on ne sait pas trop bien où ils sont ni à quoi ils servent) et il n'y a jamais le personnel pour faire les choses pour lesquelles vous n'avez pas été recruté comme les trucs administratifs bien relous (les commandes et facturations de prestations qui sont du vrai bonheur en branche pour un scientifique) et surtout la manutention/bricolage... 

Il y a bien du personnel technique me direz-vous ? Oui, c'est vrai mais leur tâche n'est pas de vous aider à déplacer un appareil hyper fragile de 150 kg. À vous donc de vous péter le dos à le faire seul(e) ou avec les quelques collègues que vous aurez réussi à réquisitionner convaincre de vous aider. Il y a toujours la solution d'embaucher une entreprise extérieure pour faire ça, mais il faut faire une demande de devis, une proposition de commande,  2 signatures, obtenir le bon de commande, l'envoyer, prendre rendez-vous et expliquer à des déménageurs délicats que votre machine vaut 260 000 € et qu'il vaudrait mieux être très prudent en la déplaçant. Bref, ça prend 2 mois et vous n'êtes pas sûrs d'avoir un appareil en état de marche à l'issue de la journée...

Et puis il y a le montage du matériel que vous avez commandé et qui vous arrive en kit. C'est comme chez notre ami suédois : à vous de vous débrouiller pour le monter ! Me voilà donc avec 4 paillasses à roulettes (pour pouvoir déplacer mes appareils hyper lourds sans me péter le dos justement) à monter moi-même, avec un mode d'emploi ne correspondant pas à mon modèle, des vis à visser dans des recoins inaccessibles, sans le matériel adéquat ! Je viens de passer une demie-heure sur la 1ère, j'ai affreusement mal aux bras et j'ai pas fini d'enfoncer ces fichues vis dans le bois pour que ce soit bien solide... 

Il me reste 3 tables à monter (dont une avec une barre de renfort trop petite), je ne suis pas sortie des ronces...

La bonne nouvelle c'est que je peux rajouter une ligne dans mon CV :  formation autodidacte en montage de paillasse... Elle est pas belle la vie ?

À quand un module "bricolage et manutention" dans les cursus scientifiques ??